Le ratio, un avantage conventionnel menacé

Publié le par ferc cgt 66


Le ratio :  un  avantage conventionnel 

La CCNOF répartit le temps de travail des formateurs non cadres en 72 % consacrés à "l'acte de formation" et 28 % à la "préparation/recherche".

La loi : temps de travail effectif

Dans le cadre de l'horaire collectif ou individuel fixé par l'employeur, c’est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.

 Le temps de travail des formateurs non cadres 

Ce point fait l'objet d'une polémique entre la FFP (Fédération de la formation professionnelle) et les 5 organisations syndicales CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT, FO.

La FFP conditionne l'augmentation des minima salariaux pour 2009 à la conclusion d'un compromis sur le temps de travail des formateurs ; elle souhaite revoir la répartition entre leurs différentes activités.

Les cinq organisations syndicales demandent :

-       la déconnection entre la négociation salariale et les autres thématiques

-       une augmentation de + 7% pour 2009.

Pour évaluer cette progression, nous nous fondons sur le bilan social de la branche, les estimations Insee sur l’inflation, le retard pris ces dernières années concernant le pouvoir d’achat et les salaires pratiqués dans le secteur (indicateurs VA de la DARES).

La prochaine réunion de négociation se tient le 3 février 2009.

Déjà, en 2008, la négociation salariale avait été compliquée par les problématiques de temps de travail.

 

L'étude

Menée en 2 temps (enquête qualitative dans 20 organismes et enquête quantitative auprès de près de 300 salariés), elle démontre que le ratio est appliqué de façon variable dans les OF (organismes de formation). Certains OF appliquent strictement le ratio 72/28, d'autres s'en inspirent avec quelques aménagements en fonction des demandes des clients. Des organismes contournent le ratio, considérant – à tort- que l'amont de l'AF (analyse du besoin, formulation des objectifs pédagogiques, conception de l'ingénierie…) et l'aval de l'AF (bilans pédagogiques, évaluations) sont du temps de PR (préparation et recherche), tandis que d’autres parcellisent les tâches avec, d’un côté le concepteur, de l’autre le dispensateur de formation et emploient des personnes dédiées pour l'élaboration des supports pédagogiques. Parfois, au sein d'un même organisme, le ratio s'applique différemment pour les salariés en fonction des activités et les métiers.

L’étude a conclu à la nécessité de maintenir le temps de préparation. En effet, 67 % des formateurs interrogés déclarent dépasser le temps de préparation conventionnel et se trouver dans l’obligation de le faire en dehors de leur temps de travail.

Les thèmes évoqués par les formateurs interrogés sont la qualité, les conditions matérielles d’exercice du métier, le matériel mis à disposition ; les arguments avancés sont ‘ma préparation m’appartient’, ‘l’employeur sait qu’il faut préparer’, ‘le temps de travail est souvent dissimulé’.

 Comment rémunérer le savoir ?

La spécificité du travail de formateur

Le ratio est au cœur du métier de formateur ; il est aussi force de loi pour notre secteur professionnel.

La prise en compte du temps de préparation et de recherche grâce à et via le ratio est une des rares « avancées » de notre convention collective, avec les 5 jours mobiles payés -qui ajoutent une semaine de repos aux 5 semaines de congés payés légales -.

Un premier accroc a été fait en 1999 lors de la négociation sur la réduction du temps de travail. La FFP et la CFDT -seule signataire de l’accord-, ont instauré la diminution du temps de PR. Le ratio est alors devenu 72/28 ; chaque temps d’AF (60 mns) ne génère plus que 39 % de temps de P et de R (22 mns). Certains employeurs, interpellés par leur DP, DS ou l’Inspection du Travail, ont augmenté le taux horaire de base. Mais pour la majorité des formateurs D et E, cette modification a entraîné une perte de temps de préparation et de recherche pour les salariés : préparer moins et former plus.

 Pourquoi le temps de préparation et de recherche (PR) n'est-il calculé que de manière forfaitaire ?

Cette méthode d’évaluation est rendue nécessaire par la difficulté à évaluer le temps que nous y consacrons. Il varie, il n’est pas quantifiable du fait de la grande disparité des dispositifs de formation, du niveau et du nombre des stagiaires, du type de public concerné, de la période de l’année, de l’expérience du formateur, du contenu de l’action, du soutien logistique que les centres apportent à l’aspect matériel. Il prend en compte en temps et en rémunération l’investissement pédagogique au-delà du seul acte de transmission du savoir en face à face avec le stagiaire. Il couvre notre prestation intellectuelle totale et complète dans ce qu’elle a de visible et aussi ‘d’invisible, nos heures de travail en dehors de la salle de cours, souvent sur l’ordinateur personnel, dans les salons professionnels, en librairie… Ce travail intellectuel n’est pas mesurable.
Le formateur est colonisé par son travail 24hs / 24 et 7 js / 7; à chaque conversation, chaque voyage, chaque lecture, chaque sortie, chaque question de stagiaire, chaque occasion (‘je pourrais utiliser ces éléments pour tel cours, avec tel stagiaire’). Il y a également un investissement physique.

 Ce qui bloque les employeurs de la FFP pour développer l‘activité de leurs entreprises, c’est effectivement le ratio qui est, à leurs yeux, un carcan improductif et d’un coût exorbitant. Leur imaginaire c’est un formateur muni d’une pédagogie livrée clef en main, programmable au même titre qu’un système informatique ; un formateur qui n’a besoin que de s’appuyer sur un support, un formateur qui ferait l’appropriation, le développement, les correctifs de ses cours sur un temps non attribué, non quantifié, non pris en compte, non défini, donc non rémunéré. C’est un formateur taylorisé -à l’heure où tous les clients réclament un parcours individualisé et un accompagnement ciblé et personnalisé!-, et idéalement, en bonne relation avec le reste de l’équipe support qui le fournit en matériel. Un formateur en face à face continu avec les stagiaires, sans recul sur son travail. Un formateur las, fatigué, prêt à abandonner ce métier rapidement. Les risques : stress, qualité zéro, impossibilité d’évoluer, usure mentale rapide.

Pourrait-on concevoir une formation où le formateur n’est rémunéré que pour le face à face qu’il enchaîne tout au long de la journée et où le stagiaire est responsable de la préparation et du suivi du cours qui lui est prodigué ? Et quand bien même cette situation aberrante se généraliserait, le cours est toujours précédé d’un temps incompressible de ‘P’ préparation matérielle physique de 10mns et de ‘S’ suivi matériel et physique après de 10mns (soit 20 mns au total),

 Pour la FFP, supprimer le ratio, c’est s ‘assurer une productivité accrue de + 10 % à + 15 %, Mais c’est un gain à court terme. La déréglementation totale de notre système engendrera une fuite des compétences vers d’autres secteurs.

Pour les salariés, avec les 5 jours mobiles payés -qui ajoutent une semaine de repos aux 5 semaines de congés payés légaux -, la prise en compte du temps de préparation et de recherche grâce à et via le ratio est une des rares « avancées » de la convention. Notre CCN contient des garanties plancher, sortes de garde-fous (quel nom évocateur !)

 

Aux mots de flexibilité et maîtrise des coûts, nous opposons qualité, innovation et dialogue social.

D’autant que de plus en plus de contrats de travail vont se négocier  au niveau de l’entreprise.
Il semble impératif de fermer le jeu plutôt que de l’ouvrir. 

 

 

Propositions

-       toute heure effectuée est rémunérée

-       tous les temps doivent être rigoureusement comptabilisés sur les emplois du temps

-       le métier de formateur comprend du face à face ainsi qu’un temps incompressible de préparation matérielle physique avant chaque action de formation de l'ordre de 10mns et de rangement et administratif matériel et physique après chaque action de l'ordre de 10mns (soit 20 mns au total), de la ‘R’ et d’autres activités telles que  le déplacement, que tous ces temps sont à comptabiliser et rémunérer.

 

Le SNPEFP CGT n'est pas favorable à la suppression du ratio. Nous proposons une évolution du ratio fondé sur les principes suivants :

re-déterminer un cadrage du ratio basé sur une définition plus fine

revisiter le contenu des activités des formations

 

Cela ne peut se faire qu’après avoir dressé les conséquences du statu quo comme du pire scénario. L'état des lieux doit s’appuyer sur

-       la réalité, c’est à dire la diversité des situations rencontrées, des charges et  temps de travail recensés, en y intégrant les activités connexes (déplacements,  logistique, tâches administratives) et les formes de pénibilité, en lien notamment avec l’âge

-       les évolutions des activités, des conditions de réalisation du travail et du métier des formateurs dans un nouvel environnement (tutorat, accompagnement…)

-       une meilleure reconnaissance des exigences accrues de polycompétence

-       les besoins exprimés par les formateurs en termes d'auto-formation et de veille intellectuelle, et surtout d'écoute et d'échanges de pratiques (alors même que les collectifs de travail se diluent sous l'effet de dispersion et de dissémination des formateurs)

-       les préoccupations touchant à la précarité du métier, à la formation et aux évolutions professionnelles, au système de classification/rémunération ainsi

 

L’avenir

La formation évolue vers une relation de service (économie de la connaissance), accomplie dans le cadre d'une prestation intellectuelle de plus en plus intégrée. Cela nécessite une organisation collective des organismes, devenue un atout distinctif sur ce marché de plus en plus concurrentiel. Le travail des formateurs doit être davantage valorisé car ils participent à la valeur ajoutée de ces prestations.

 Le récent livre « La Fonction Formation en Péril» de Monique BENAILY et Sandra ENLART fait un sombre constat de la situation : la formation est trop chère, discréditée et instrumentalisée. L'animation et l'ingénierie de formation, cœur de métier, ne sont plus que des activités parmi d'autres. Les métiers évoluent vers la médiation technologique, l’accompagnement des apprenants, le conseil, l’orientation. Les compétences commerciales et de gestion (ingénierie financière, marketing, commercial, achat, technologie) sont de plus en plus exigées, en parallèle aux compétences métier.

Les questions clé qui se posent sont

1. Comment les organismes professionnalisent-ils ces nouveaux formateurs polyvalents?

2. Comment les organismes les rémunèrent-ils?

3. Que signifie une démarche qualité en formation ?

 

CCN du Sport
Concernant la prise en compte de tous le temps nécessaires, une piste serait de s’inspirer de la CCN du Sport (Chapitre 5 – art. 5.1.1)
Le temps de travail effectif, dans le cadre de l'horaire collectif ou individuel fixé par l'employeur, est défini comme le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.

Lorsque les critères définis au 1er alinéa sont réunis, sont considérés notamment comme du  temps de travail effectif :

- les durées nécessaires à l'habillage et au déshabillage sur le lieu de travail dans le cadre d’une tenue particulière ;

- les temps nécessaires à la mise en œuvre de l’activité, au contrôle et à la maintenance du matériel ;

- les temps de déplacement pour se rendre d’un lieu d’activité à un autre au cours de la durée journalière de travail pour le compte d’un même employeur ;

- les temps de repas et de pause lorsque le salarié reste à la disposition de l’employeur sur le lieu de travail.

 

 

 

 La composition du travail des formateurs

- l'acte de formation (AF) : face à face pédagogique animé selon toutes les diverses modalités : individuelles ou collectives, directes ou médiatisées, sur place, à distance, par téléphone…), encadrement de stagiaires,  intégration et formation de formateurs

L’AF, ce n’est pas qu’1 heure de présence, de conversation ; c’est 1 heure de qualité, d ‘écoute, d’échange, d’accompagnement, de transmission.

Il est assorti de plusieurs activités: en amont, la préparation matérielle (P) et la recherche (R) ; en aval, le suivi administratif et matériel

Il est parallèle à d’autres activités

- la veille pédagogique et la formation  

- les activités connexes (AC) : conception, réunions, ingénierie, repas pédagogiques en présence des stagiaires ou des responsables, correction des tests et des travaux écrits, élaboration de bilans ou rapports de stage, permanences, information, accueil, d’orientation, sélection, suivi, évaluation, contrôle, placement, tutorat, réponse aux appels d’offres, analyse de la demande de formation, élaboration des programmes de formation, construction et suivi de parcours individualisés, élaboration de méthodes et outils pédagogiques, parrainage/orientation de nouveaux formateurs, entretien de relations avec l'environnement institutionnel ou professionnel, participation à la commercialisation des actions, coordination d'équipe, formation, formation de formateurs, délégation, remise de documents administratifs, …

- le temps de déplacement professionnel obligatoire au cours d’une même journée entre 2 lieux d’exécution du contrat de travail pour effectuer son travail, que ce soit des AF, du P, du R, des AC.

 

 Les conséquences de la modification à la baisse du ratio

Si le ratio était supprimé ou modifié à la baisse, le salaire ne serait pas modifié pour les salariés déjà en place en vertu du contrat de travail existant.

Quant à nos collègues nouveaux embauchés, ils se verraient proposer des temps de préparation et de recherche individualisés, diversifiés, minimisés, voire inexistants, comme c’est hélas le cas dans la majorité  des centres concernant le paiement des déplacements.

 Les formateurs F

Dans de nombreux organismes, les employeurs ont opté pour classer les Formateurs en F. Quelles en sont les raisons ?

Ces salariés sont-ils des ‘super profs’ se distinguant du lot des gros bataillons ‘D’ et ‘E’  ? Ont–ils une expertise reconnue et recherchée ? Une ancienneté dans le métier qui leur confère le droit à un certain ‘confort’ matériel ? Des techniques de négociation implacables lors des entretiens d’embauche pour convaincre le recruteur que leur prestation n’est pas bradable ? Bénéficient-ils d’un recrutement de complaisance en qualité de fils / voisin / conjoint / cousin / neveu / ami des employeurs qui leur confie des missions ? Ont-ils montré ‘patte blanche’ dans le milieu et ne sont fichés dans aucun de ces syndicats combatifs qui gênent le petit monde des OF ? Sont-ils invités à prendre leur carte à un syndicat complaisant afin d’occuper les sièges CE, DP, CHSCT et autres instances et paralyser ainsi le dialogue social en bloquant l’entrée de ceux qui ont de vraies revendications (‘désolés, on est au complet, notre équipe IrP fonctionne et nous n’avons pas besoin de vous’ !)? Les finances des organismes qui leur proposent un poste en catégorie ‘F’ sont-elles florissantes ? La politique salariale de ces organismes est-elle progressiste ? Les salaires proposés compensent-ils l’absence d’avantages sociaux (ticket restaurant, chèque vacances, cadeau de Noel, 13ème mois, mutuelle santé…) ? Cherche-t-on, en les flattant par l’octroi d’un statut cadre et la reconnaissance par la lettre ‘F’, à endormir la conscience de leur valeur professionnelle ?

Ou bien, est-ce le moyen le plus insidieux et politiquement correct de ne pas rémunérer la P et la R, temps nécessaire autour d’un acte de formation pour qu’il soit de qualité, en amont comme en aval du cours (préparation, recherche, veille, suivi, travail administratif…) ?

Ces formateurs ‘F’, rémunérés à la tâche avec un salaire proposé d’environ 25 à 30 euros de l’heure, se disent peut-être: ‘25 ou 30  ou 35 euros de l’heure, c’est mieux que le minimum conventionnel de notre CCN’..

Mais… Mais un cours n’est pas de l’AC ; un cours comporte des tâches à effectuer avant et après ce cours. Ces tâches doivent être prises en compte, c’est à dire reconnues, identifiées, éventuellement listées, comptabilisées, quantifiées en minutes, rémunérées et réclamées. Pour elles-mêmes. En plus du cours.

 

Conclusions

Le temps de travail et sa rémunération sont des éléments essentiels de notre contrat de travail et cela a encore un sens !

- au regard de la pénibilité du travail effectué par le formateur à qui l’employeur ne fournit pas toujours les conditions professionnelles appropriées: un lieu propice au travail et doté de l’équipement nécessaire

- au regard de la charge psychologique importante liée à la dimension relationnelle de notre métier

- au regard de la santé que nous y laissons vu le caractère éprouvant d’une heure de classe et nos cordes vocales malmenées, des déplacements dans des zones géographiques de plus en plus vastes

- au regard de la solitude en fin de carrière lorsque l’énergie nécessaire fait défaut

- au regard de la qualité de l’acte de formation dont le stagiaire à droit

- au regard des incidences du nombre d’heures réel sur la prise en charge des indemnités de Sécurité Sociale et le calcul de la pension des retraités

 

De plus, dans nos petits et moyens organismes, les salariés non organisés syndicalement sont-ils en mesure d’imposer des dispositions favorables ? Voilà toute l’importance d’une convention collective défendue par la CGT.

 

Nous devons préserver les dispositions de notre CCN OF ! Aux mots d’ordre

‘productivité, flexibilité et maîtrise des coûts’, le SNPEFP CGT secteur Formation Privée répond : ‘qualité, innovation et dialogue social’.

Publié dans Formation Privée

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