A propos du rapport Attali...

Publié le par ferc cgt 66

undefinedRapport Attali: Quelques idées neuves, mais beaucoup de vieilles recettes

    A la première lecture, le rapport de la Commission Attali se présente comme un vigoureux plaidoyer pour la réforme, assorti d’un patchwork de plus de 300 mesures quelque peu hétéroclites. 

   Derrière le ton moderniste du rapport dominent les propositions d’inspiration libérale. Mises sur le même plan, certaines de ces « propositions de décisions » vont de la banalité pure et simple (« mobiliser tous les acteurs pour l’emploi des jeunes », « aider les commerçants et les artisans à prendre part à la concurrence », « mettre en place les infrastructures nécessaires »…) à un pointillisme extravagant (« mettre en chantier 10 écopolis … dont 20% de la surface serait occupées par des plans d’eau ou des espaces verts »). Dans les faits, une majorité de préconisations n’a ni l’originalité ni la nouveauté qui étaient annoncées. Beaucoup reprennent des logiques mises en œuvre depuis 20 ans sans succès. 
   Pour autant, il n’est pas question de prendre ce rapport à la légère car il sera un élément du débat ouvert sur le contenu des réformes à promouvoir. 
   Le diagnostic posé dans le résumé introductif du document, est la partie la plus intéressante. Au-delà des constats : « un monde qui change à grande vitesse », « une vague de croissance internationale sans précédent », « des inégalités insupportables », « l’exigence d’un nouveau mode de développement », « une France qui prend du retard malgré des atouts exceptionnels », on perçoit des ambitions incontestables : un chômage réduit, 2,2 millions de logements de plus, un taux de pauvreté divisé par plus de 2, la réduction des différences d’espérance de vie…, le tout à l’horizon de 5 ans... Mais pourquoi le rapport nie-t-il les efforts déjà entrepris ?
 Et pourquoi accable-t-il une nouvelle fois « le modèle hérité de l’après-guerre » ? 

   Le besoin de la démonstration fait écrire quelques contre-vérités. 

   Puisqu’il est justement question de mise en cause « d’un conservatisme catastrophisme pour les jeunes » et d’une « rente triomphante dans les fortunes foncières, dans la collusion des privilégiés », il aurait fallu parler des 20 années que nous venons de vivre, caractérisées par l’argent-roi ! Au lieu d’accabler 1945, on pourrait utilement interroger le tournant de ces 2 décennies. 
   Cela dit, la mise en avant des citoyens les plus modestes, des jeunes, des salariés précaires, des exclus, de « tous ceux qui ont le plus besoin de croissance », est entièrement justifiée tout comme l’appel à une « véritable équité qui doit concerner toutes les catégories sociales et professionnelles, sans tabou, sans exclusive ». L’intuition d’une révolution technologique qui va bouleverser les sociétés et le travail est omniprésente et justifiée même si elle n’est pas vraiment analysée. 
   Les propositions, partie essentielle du document, paraissent largement plaquées sur cette introduction. L’effort pour les regrouper autour de « 8 ambitions » ne suffit pas à leur donner sens et cohérence nouvelle. 
   Certaines sont la reprise d’évidences qui, en soi, ne font plus débat comme « la maîtrise des connaissances de base par les élèves du 1er Cycle », « le besoin de développer la Recherche dans un certain nombre de secteurs porteurs », « l’accès de tous à Internet », « l’encouragement à la mobilité géographique », « la réduction des délais de paiement pour les PME », « la réforme de la formation professionnelle ». La nécessaire reprise d’une politique de l’immigration est mise en exergue mais ne se distingue pas de manière substantielle de ce que préconise le gouvernement sous l’appellation « d’immigration choisie » 
Côté positif, notons l’importance donnée à l’appui à la mobilité, aux reconversions des salariés et à la sécurisation des parcours professionnels. Soulignons la proposition d’élaborer un nouveau statut pour les chômeurs, la nécessité de réformer la représentativité des organisations syndicales, le souci de légitimer les négociations sociales. Le rapport ne dédaigne d’ailleurs pas les contradictions. La décision 143 « anticiper et négocier pour faire du licenciement économique un ultime recours » pourrait paraître intéressante. Elle se conclut sur la proposition « d’élargir les possibilités de licenciement pour raisons économiques » ! Mais le déséquilibre est patent entre quelques propositions d’amélioration de la situation des salariés et l’avalanche de remises en cause par ailleurs prônées. 
   Que dire de dizaines de propositions inspirées par la pensée libérale, qui nous renvoient aux vieilles recettes appliquées en d’autres temps. Recettes qui ne correspondent en aucun cas aux défis nouveaux que doit affronter le pays. 
   On retrouve, sans débat, sans nuance, tous les poncifs qui présentent les droits des salariés, le système de protection sociale, les dépenses publiques comme les principaux obstacles à la croissance. La mise en exergue du coût du travail ou la nécessité de sécuriser juridiquement la séparation à l’amiable vont combler d’aise le Medef. 
   Il faut « construire une société de plein emploi » annonce le rapport mais il nous propose un renforcement de l’exploitation des salariés : déroger largement à la durée légale du travail, faire sauter la référence à 65 ans pour toucher une retraite à taux plein, libérer totalement le cumul emploi-retraite, développer les fonds de pension à la française… Il dit vouloir « supprimer les rentes et les privilèges ». Il s’attaque aux taxis, au petit commerce mais laisse pour l’essentiel tranquilles les détenteurs de stock-options où ceux qui cumulent avantages fiscaux et grandes fortunes. 
   Il propose d’améliorer « la compétitivité des entreprises » mais pour cela il suggère d’accroître les exonérations de cotisation des employeurs qui atteignent déjà 30 milliards d’€ au détriment des salariés et de la consommation. Il propose de transférer plusieurs points de cotisations sociales sur la TVA et la CSG, d’exonérer des cotisations les entreprises qui embauchent des jeunes et des salariés âgés. 
   Il entend « préparer la jeunesse à l’économie du savoir » mais avance comme mesure-phare la constitution de 10 pôles universitaires élitistes qui pourront être financés jusqu’à 80% par le secteur privé. 
   Ne parlons pas du secteur public qui au lieu d’être vu comme un levier d’un développement nouveau, est considéré comme un handicap. Il est vrai la messe est dite : « L’État n’a presque plus les moyens d’agir sur la croissance » écrit le rapport, page 19. D’où l’objectif de réduire de 4 points de PIB les dépenses publiques, de ne remplacer qu’un fonctionnaire sur 3, de transformer les administrations en Agences. Ce n’est plus de l’austérité, c’est un démantèlement. 
   Plus grave encore, le rapport semble souhaiter la fin de la spécificité de la Sécurité sociale en proposant de fusionner budget de l’État et budget de la Sécurité sociale. Pour le moins, une telle perspective mérite discussion ! Curieusement, le rapport reste largement muet sur de vrais handicaps de notre société. L’absence d’une véritable politique industrielle, les carences de notre système bancaire en matière de financement du développement économique, l’évasion des profits des entreprises vers les placements financiers, la perte de contrôle de nombreuses filières productives et, bien entendu, tout le volet de la gestion de l’emploi et du travail par les firmes qui génère un gâchis humain et de ressources considérable. 
   Ajoutons le volet de la politique économique, française et européenne, pourtant si décisive pour une croissance durable, qui est d’emblée écarté de la réflexion. 
   Cela donne un rapport partiel et partial loin de la contribution éclairée au débat que l’on aurait pu attendre à la veille d’une nouvelle loi de modernisation économique et sociale annoncée par le gouvernement pour le printemps.

Publié dans Actualité Nationale

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